DUO BENOIT KILIAN / JEAN-LUC PETIT

cd la nuit circonflexe

extrait:

Jean-Luc PETIT/Benoît KILIAN
LA NUIT CIRCONFLEXE
FOU RECORDS (FR-CD-25)
Dist. Métamkine/Improjazz…
Une fois mis en perspective avec son frère jumeau, le duo que Jean-Luc partage avec Benoît Kilian apparaît à la fois plus brut et plus abstrait, composé de mouvements plutôt que de matières, de glissements furtifs et de souffles épars, de déplacements circonspects et d’incursions massives au cœur du son proprement dit ! S’il n’a jamais été question de free dans les propos venteux du saxophoniste, on peut se demander cette fois si nous ne sommes pas hors de la musique même, dans une gestuelle immédiate résumant la dialectique ancestrale de la frappe et de la caresse, du coup reçu comme de la tendresse donnée.
Benoît Kilian est curieux de profession, mais dans trop de domaines pour se spécialiser et devenir chercheur. C’est la raison pour laquelle il a finalement opté pour un recentrage progressif de ses champs d’investigation, de la matière sonore aux percussions, dont ce fameux berimbau électrique, et de la batterie à la grosse caisse horizontale, surface vibrante résonnant dans le sillage de Mathias Pontevia et, bien sûr, Lê Quan Ninh. Il serait pourtant réducteur de voir en lui un disciple ou le simple vecteur d’une technique évolutive car Benoît infléchit le langage dont il use au point d’en modifier les règles internes. Ainsi, dès l’ouverture de cette « Nuit circonflexe » où frappe et caresse mêlées semblent accoucher en douceur d’une entité limpide à l’apparente sérénité. On réalisera vite que rien n’est aussi simple et que, si la lumière fut douce à la naissance, l’éclat du jour peut blesser les yeux et, passé par cette fenêtre, embrasser à mort celui qui l’accueille. Mais, pour l’heure, la peau comme le souffle bruissent en harmonie, les grincements suspects qui s’échappent du cuivre ne troublent pas vraiment l’avancée progressive des nuages grondant au ciel de la grosse-caisse et les gémissements du métal écorchant la surface tendue figurent la toile de fond d’une représentation inquiète, mais contenue. La clarinette contrebasse, entre les mains de Jean-Luc Petit, longe des précipices dont on évalue mal la profondeur et que l’on ne voudrait explorer pour rien au monde tant ils doivent receler de sombres inquiétudes, mais l’homme apparaît sûr et digne de confiance. Malgré la sensation de malaise rampant, d’encre se répandant et gagnant les fissures de toute la structure, une impression subsiste de solidité, comme on dit d’une maison saine. Au demeurant, les nappes se sont rétractées et se réunissent désormais avant de se désagréger en longs filaments inconstants, fugaces mélodies que ni le sopranino, ni le babil des friselis rythmant les thèmes balbutiant ne peuvent retenir. De cette joie fragile, éphémère allusion à un bonheur possible, ne peuvent hélas filtrer que des vapeurs néfastes, bouillonnements constants de clarinette furieuse oscillant entre le râle profond du mourant et l’excitation frénétique des piaillements d’enfants. Source et pivot de l’équilibre, cheville ouvrière, citadelle et cœur battant, la grosse caisse, sous l’impulsion de Benoît Killian, assume également l’ancrage au sol de ce souffle éphémère et la noirceur de son propos. Chez lui, la gravité revêt à la fois ses deux sens d’attraction terrestre et de tragédie latente, tendant vers le centre et sonnant le glas. Aussi le rebond de sa frappe, s’il interdit la moindre notion de groove, relance et soutient le saxophoniste dont la puissance expressive nécessite néanmoins la certitude d’un socle et l’enthousiasme d’un pair. Alors, sans attendre, la beauté jaillit des pavillons noirs, blancs ou rouges de Jean-Luc Petit, celui qui sculpte des miniatures miroitantes, et de cet autre, là, qui recouvre d’obscurité la vivacité même.
Quelque temps après la sortie simultanée de ces deux albums, le clarinettiste reçut un appel scandalisé de son ami Daunik Lazro, lequel ne pouvait tolérer que de tels chefs d’œuvre n’entraînent pas plus de concerts ni, surtout, la moindre programmation festivalière. On sait la propension du baryton à sortir de ses gonds et son allergie maladive à toute forme d’injustice… Mais en l’occurrence, et après de multiples écoutes, force nous est d’admettre qu’il y a quelque chose de pourri au royaume des décideurs !

Joël Pagier

 

 

Guillaume Malvoisin

 

 

Benoît Kilian, grosse caisse horizontale. Jean-Luc Petit, clarinette contrebasse, saxophones alto et sopranino.
Une grosse caisse horizontale manœuvrée par Benoît Kilian avec des instruments de percussion complémentaires et additionnels pour en faire changer insensiblement le timbre, les vibrations par contact, frottements, tremblements, ondes graves qui se propagent dans l’espace, dans et autour du champ de fréquences de la clarinette contrebasse de Jean-Luc Petit. Le silence est toujours présent, les sons graves de la percussion coexistent jusque dans la vibration de l’anche dans l’énorme colonne d’air, cavité monstrueuse. Paysage mouvant, Rien que ces gazouillis fragile d’inconsolés soleils valent pour eux seuls le déplacement. L’écoute est aussi intense que le mouvement du jeu est lent, très lent. Remous des dunes confirme la qualité d’inspiration : l’émission sonore continue développe la métamorphose du son dans la lenteur extrême, une pointe d’harmonique se meut et meurt dans un temps dilaté, une durée suspendue. Le grondement du tambour ressasse le même glissando vers le grave alternant avec un aigu métallique soutenu. Le rejoignant, le souffleur crée une structure inquiète dans l’aigu, subreptice, une impression sensible sur le parchemin d’un sismographe hors du temps. Il faut tendre l’oreille pour atteindre la limite de l’audible en ayant le sentiment qu’ils jouent au delà hors de notre portée. La succession des morceaux, tous aussi hantés les uns que les autres, mais plus mouvementés en toute cohérence, font de cette rencontre enregistrée en studio par Antonin Rayon, un objet d’écoute rare, infiniment subtil, de ceux qui nous invente une nouvelle histoire inouïe. Avec des matériaux ténus et finalement extrêmes, les deux artistes expriment l’indispensable, le nécessaire et un vrai plaisir.

metamkine

 

 

Autant de titres, autant d’accroches, autant d’images entrecroisées, autant d’invites à l’errance onirique. C’est l’objet même de cet album que de déclencher des rêves éveillés, entremêlés, incertains.

Un rythme lent, pour ne pas effaroucher d’emblée, pour laisser toute leur place aux couleurs, aux matières sonores. Pour laisser s’amplifier notre souffle, calmement. Des percussions caressées, frottées, aux stridences contrôlées, en résonance, en sympathie avec celles du saxophone, de la clarinette contrebasse. C’est en particulier sur ce dernier instrument que repose cet univers de brumes, de vibrations graves, transpercées parfois de fulgurances suraigües. Ainsi se déploient ces « gazouillis fragiles … » .

Univers heurté, grognement de graves aux percussions frottées, stridences suraigües pour « le désert oxydé ». Une plongée dans une zone de turbulences éraillées et fascinantes.

Et c’est curieusement dans le thème titre de l’album, « la nuit circonflexe », qu’on croit déceler de vagues échos de solos de sax de l’épopée du jazz. Oh, rien de bien évident, mais une impression persistante. Juste peut-être un lointain souvenir du lyrisme d’alors enchâssé dans cette musique radicalement neuve. Une sorte de résidu granitique, épargné par l’érosion du temps et des mémoires, pointant encore par dessus les moraines accumulées depuis lors. La science du presque rien qui charrie des univers.

Une très belle entente illustrée encore et encore, à l’image de ces  » boréales saignées ». Les percussions de Benoît Kilian rappelant les matins calmes, tissant parfois des trames, amplifiant les gazouillis de Jean-Luc Petit, lui laissant par moments tout le silence nécessaire ou au contraire, se faisant discrètement pressant.

Une cinquantaine de minutes d’errances bienfaisantes. Offrez-vous ce moment suspendu.

GUY SITRUK

 

A magnificent album of sound-oriented free improvisation from the French duo of Jean-Luc Petit on bass clarinet, alto saxophone and sopranino sax, and Benoit Kilian on the horizontal bass drum, a beast of an instrument that create massive tones over which Petit employs an incredible array of techniques and tones on his reeds, creating other-worldly sonic environments.

SQUIDCO

 

d’où cela vient-il ???

 

DUO né de la rencontre dans la 1 ére mouture du Grand Fou Band de JM Foussat.

On s’est « entendu » de suite dans ce grand foutraque, on s’est vite rappelé, on à fait quelques gigs, dont :

 

 

 

Jean-Luc Petit : sax alto, clarinette contrebasse.

et moi sur : GCH 36

 

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